Comment l’activité physique peut vous aider pendant et après les traitements?
Thomas répond à mes questions et nous explique les bénéfices de l’activité physique adaptée.
Bonjour Thomas, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Thomas Ginsbourger. J’ai fait un parcours Licence-Master-Doctorat à la Faculté des Sports de Toulouse. Ma thèse, soutenue en 2015, portait sur le sujet « Activité physique et cancer ».
Grâce au soutien de la Ligue Contre le Cancer 31, j’ai notamment cherché à comprendre quels bénéfices ont pouvait attendre de l’activité physique avant, pendant et après un cancer.
Dans la continuité de mon doctorat j’ai intégré la CAMI Sport & Cancer qui est une association reconnue d’intérêt général dont le but est d’intégrer l’activité physique et sportive comme une thérapeutique non médicamenteuse dans les parcours de soins en cancérologie avec une approche globale et humaniste.
En 2018, la CAMI Sport & Cancer est présente dans une vingtaine d’hôpitaux et propose environ 80 lieux en ville sur tout le territoire, ce qui en fait le premier réseau Sport & Cancer de France. Je suis coordonnateur national de cette association, plus particulièrement de tous ses dispositifs intra-hospitaliers comme celui de l’IUCT-Oncopole à Toulouse.
Quelle est la différence entre l’activité physique et l’activité physique adaptée par rapport au sport?
L’activité physique est classiquement définie comme tous les mouvements corporels entrainant une dépense d’énergie supérieure à celle du repos.
Cette définition inclut non seulement l’activité physique dite de loisirs (footing, randonnée, activités compétitives, etc.), mais aussi celle liée aux déplacements actifs (à pied ou à vélo), au travail (prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, marcher lors d’appels téléphoniques, etc.) et aux tâches domestiques du quotidien (ménage, bricolage, jardinage, etc.).
L’activité physique inclut donc tous les mouvements effectués dans la vie quotidienne et ne se réduit pas à la seule pratique sportive.
L‘Activité Physique Adaptée regroupe quant à elle l’ensemble des activités physiques et sportives adaptées aux capacités de la personne.
Elles sont dispensées auprès de personnes en situation de handicap, âgées, atteintes de maladie chronique et/ou en difficulté sociale, à des fins de prévention, de rééducation, de réadaptation, de réhabilitation, de réinsertion, d’éducation et/ou de participation sociale.
Retenons que le mot clé « adaptée » valorise la transformation de la pratique physique et/ou sportive pour la rendre accessible, dans le sens d’un ajustement aux capacités et besoins des publics.
Pourquoi est-ce important de faire de l’activité physique pendant et après les traitements ?
Premièrement, l’activité physique diminue certains effets secondaires des traitements comme la prise de poids et la perte de masse musculaire, le déconditionnement physique, la fatigue, les douleurs de type arthralgies, la perte de souplesse, etc.
Prenons la fatigue. C’est le symptôme le plus fréquent chez les personnes en cours de traitement.
L’une de ses caractéristiques est de pouvoir persister après la fin du traitement. Cette fatigue est notamment due à l’augmentation du taux de cytokines. Or, aucun médicament ne permet de la traiter efficacement. L’activité physique est le seul traitement validé de la fatigue en oncologie. En effet, elle réduit en moyenne la fatigue de 68% pendant les traitements et de 62% après les traitements, notamment car elle baisse le taux des cytokines et qu’elle casse le cercle vicieux du déconditionnement qui provoque souvent le sentiment « d’être fatigué de ne rien faire ».
Deuxièmement, l’activité physique améliore la qualité de vie (bien-être, plaisir, sommeil, autonomie, anxiété, risque de dépression, etc.). Elle permet la réappropriation de son corps, une meilleure image corporelle et une meilleure estime de soi. Elle rompt l’isolement et facilite le lien social, permet de s’inscrire dans une dynamique de projet et facilite le retour à la vie sociale, familiale et professionnelle.
Troisièmement, de par son action sur certaines hormones (insuline et œstrogènes), l’inflammation (adiponectine et letpine) et l’immunité (macrophages et lymphocytes), l’activité physique réduit les risques de récidive des cancers du côlon, du sein et de la prostate. Cette réduction du risque est en moyenne de 40 à 60% selon les cancers.
Est-ce qu’on peut faire de l’activité physique même quand on n’est pas du tout sportif ?
Le seul cas de figure où l’on ne peut vraiment pas pratiquer c’est quand il existe des contre-indications absolues à l’activité physique comme des métastases osseuses lytiques, une ostéoporose sévère, un infarctus du myocarde de moins de 3 semaines, une insuffisance cardiaque ou respiratoire importante ou encore une fatigue extrême ou une dénutrition sévère.
Dans tous les cas ces contre-indications doivent être évaluées par un médecin et être réévaluées régulièrement car elles peuvent être temporaires.
Donc le fait de ne pas être sportif ne doit pas empêcher de faire de l’activité physique, au contraire.
Rappelons que faire le ménage ou prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, c’est faire de l’activité physique. Si l’on n’est pas sportif, on peut aussi pratiquer des activités douces, comme la marche ou le vélo.
Par ailleurs, on sait qu’il existe des bénéfices à partir de 10 minutes d’activité physique d’affilée, ce qui veut dire qu’il vaut mieux faire un peu, plutôt que de ne rien faire. Et si je peux faire plus alors il ne faut pas se gêner : on sait que plus on est actif, plus on n’a de bénéfice !
Dans tous les cas les maîtres-mots sont Mouvement, Progressivité, Régularité et Plaisir.
Par quoi commencer quand on n’a pas de cours d’APA* près de chez soi ?
Voilà quelques idées, même si le plus important reste tout simplement de bouger :
- Faites vos courses à pied quand c’est possible.
- Promenez votre chien plus souvent et plus longtemps.
- Sortez prendre l’air : seul, en famille ou avec des amis, une promenade fait toujours le plus grand bien.
- N’oubliez pas que le ménage, le jardinage et le bricolage sont aussi considérés comme des activités physiques. Quand vous vous rendez au travail, prenez votre vélo ou garez votre véhicule un peu avant et terminez le trajet à pied. Marchez pendant vos coups de téléphone. Descendez une ou plusieurs stations avant votre arrêt habituel et finissez le trajet en marchant. Préférez les escaliers aux ascenseurs et escalators.
Fixez-vous des objectifs motivants et réalisables.
Ne cherchez pas la performance à tout prix. Pour que l’activité physique soit un plaisir et n’occasionne pas de douleurs, il faut laisser le temps à son corps de s’adapter. L’important est d’aller à son rythme.
Et pour les sportifs, l’important est d’écouter son corps et de ne pas prendre de risque. Mais si votre médecin vous a donné son feu vert, n’hésitez pas à marcher, courir, nager, rouler plusieurs fois par semaine.
Peux-tu nous dire ce que tu apprécies particulièrement dans ton travail ?
Ce que j’apprécie particulièrement c’est d’entendre ou de lire les témoignages des personnes que nous accompagnons au quotidien, comme celui-ci :
« Je mesure à quel point les activités proposées m’ont aidée dans mon parcours de soins. Grace à la marche nordique nous sortons de chez nous, nous bougeons, nous respirons. Nous retrouvons de l’énergie, du souffle. Nous éliminons les courbatures et autres douleurs dues au traitement. C’est une technique anti-douleur épatante. La compagnie des autres est salutaire : les plus anciens nous entrainent et nous encouragent, les nouveaux qui arrivent nous permettent de mesurer nos progrès. Le cours de stretching nous permet un travail individuel, plus ciblé, accompagnées des autres qui ont des difficultés similaires, et du coach sportif qui connaît ces difficultés. Nous sommes à égalité, et donc sans les complexes qu’il pourrait y avoir dans un cours de sport à l’extérieur, ouvert à tous. Nous nous réapproprions nos corps, nos muscles, en finesse. Nous reprenons confiance en nous. Nous parlons de nos limites, de nos difficultés sans gêne. Pas de compétition. Un travail varié, voire ludique, en douceur et en profondeur. Ces séances de marche nordique et de stretching rythment nos semaines et nous aident à les structurer. Nous en sortons le corps souple, la tête légère, et avec un moral revigoré. Nous retrouvons le monde. Nous nous resocialisons. Nous parlons avec les autres qui sont dans le même cas : cela dédramatise et relativise nos inquiétudes et nos difficultés. Nous apprenons à parler de notre parcours, et cela nous aide à en parler simplement et naturellement à l’extérieur, aux “autres”. Nous nous sentons physiquement et psychologiquement mieux ».
Merci beaucoup Thomas d’avoir pris le temps de répondre à mes questions!
J’espère que cette interview vous aura aidé à mieux connaitre les bénéfices de l’activité physique. Si vous avez des questions à poser, n’hésitez pas à les écrire en commentaire.
Où faire de l’activité physique adaptée?
La CAMI et la Ligue contre le cancer proposent des cours et des programmes de thérapies sportives, renseignez-vous!
APA*: Activité Physique Adaptée
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